Bonjour tout le monde,
D'abord une remarque : le temps surcomposé du style <ai eu + pp> ou <ai été + pp> n'est pas le passé antérieur qui suit le modèle <eu + pp> ou <fus + pp>.
(pp = participe passé = <mangé>, <parti>, <cousu>, <été>, <eu> etc).
Exemple de passé antérieur : « Après que j'eus pris connaissance du contenu, je me décidai à refermer le meuble ».
Le passé antérieur (emploi surtout littéraire) sert principalement à exprimer l'antériorité par rapport au passé simple : <j'eus pris connaissance> est antérieur à <je me décidai> ainsi que la locution <après que> l'indique formellement.
Digression : à la différence de la locution <avant que> qui exige le mode subjonctif, la locution <après que> exige le mode indicatif.
Mais en pratique, l'usage consacre l'emploi du mode subjonctif avec <après que>.
Pour en savoir plus, voyez Unilang :
http://home.unilang.org/main/forum/viewtopic.php?t=13815&sid=13b4dd54ff806d2629a5e1b28e98356f .
Maintenant, les temps surcomposés.
J'ai eu beau chercher et me creuser la tête, je n'ai pas trouvé d'approche didactique satisfaisante.
Personnellement, je n'en emploie aucun (du moins au passé car il peut m'arriver, quoique très rarement, d'utiliser le futur antérieur surcomposé) mais j'ai entendu d'autres personnes les utiliser à l'oral, du style « Ça a eu payé » = {avant c'était financièrement intéressant, mais aujourd'hui ça ne rapporte plus rien ou plus autant}.
Je vous encourage à cliquer sur le lien ci-dessous car il illustre à merveille à quel point les francophones semblent déconcertés avec la question fort pertinente de Sergio :
http://home.unilang.org/main/forum/viewtopic.php?t=5876&start=0 .
Sinon, l'Académie française — cette vieille dame si décriée (et si mal comprise) — fait le point sur le sujet et, franchement, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour l'instant :
■■■■■■■■■■Les temps dits surcomposés servent à marquer des faits antérieurs et accomplis par rapport à des faits qui, eux-mêmes antérieurs par rapport à d’autres faits, s’exprimeraient par les temps composés correspondants. À la voix active, on forme l’■■indicatif passé surcomposé■■ en ajoutant le ■■présent■■ de l’auxiliaire <avoir> au participe passé de l’auxiliaire <avoir> ou de l’auxiliaire <être> (selon les verbes) du passé composé : <elle a fait cela donne quand elle ♦a eu fait♦ cela> ; <ils ont fait cela donne quand ils ♦ont eu fait♦ cela> ; <elle est partie donne quand elle ♦a été partie♦, ils sont partis donne quand ils ♦ont été partis♦>.
À l’■■indicatif plus-que-parfait surcomposé■■ (marquant l’antériorité par rapport au plus-que-parfait, ce temps est d’emploi assez rare), on ajoute dans les mêmes conditions l’■■imparfait■■ de l’auxiliaire <avoir> : <quand elle ♦avait eu fait♦ cela>, <quand ils ♦avaient eu fait♦ cela> ; <quand elle ♦avait été partie♦>, <quand ils ♦avaient été partis♦>.
Le ■■futur antérieur surcomposé■■ (antériorité par rapport au futur antérieur ; d’emploi assez rare) se forme avec l’auxiliaire <avoir> au ■■futur■■ : <quand elle ♦aura eu fait♦ cela> ; <quand elle ♦aura été partie♦>.
Le ■■passé antérieur surcomposé■■ (antériorité par rapport au passé antérieur ; très rare) se forme avec <avoir> au ■■passé simple■■ : <quand elle ♦eut eu fait cela♦> ; <quand elle ♦eut été partie♦>.
Tout aussi rares sont les autres temps :
■■conditionnel passé surcomposé■■ (<quand elle ♦aurait eu fait♦ cela> ; <quand elle ♦aurait été partie♦>) ;
■■subjonctif passé surcomposé■■ (<avant qu’elle ♦ait eu fait♦ cela ; <avant qu’elle ♦ait été partie♦>) ;
■■subjonctif plus-que-parfait surcomposé■■ à valeur de conditionnel (<si elle ♦eût eu fait cela♦> ; <si elle ♦eût été partie♦>) ;
■■participe passé surcomposé■■ (<♦ayant eu fait♦ cela> ; <♦ayant été partie) ; infinitif passé surcomposé (après avoir eu fait cela ; après avoir été partie♦>).
La voix passive se forme selon les mêmes procédés à partir des passifs correspondants : <quand cela a été fait> (passé composé passif) donne <quand cela ♦a eu été fait♦> (■■passé surcomposé passif■■).
Les formes surcomposées sont inusitées pour les verbes pronominaux.
Bien qu’ils appartiennent principalement au langage parlé, les temps surcomposés se rencontrent chez les meilleurs auteurs, de Balzac à Mauriac en passant par Stendhal, Hugo, Renan ou Proust.
C’est surtout dans le Midi que l’on emploie le passé surcomposé au lieu du passé composé pour insister sur le caractère révolu et lointain des faits évoqués : « Je l’ai eu su » (sous-entendu : il y a bien longtemps, et j’en ai tout oublié). Chez l’humoriste : « Ça a eu payé » (et non, comme on le voit parfois écrit, « ça eut ou eût payé »). On considère généralement cet emploi comme dialectal.
L’éminente linguiste Henriette Walter signale enfin un malaise assez répandu vis-à-vis de ces temps et remarque à propos du passé surcomposé :
« Posez donc la question autour de vous et vous constaterez que beaucoup de personnes cultivées l’emploient en toute bonne conscience, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, en étant intimement persuadées que c’est la seule forme correcte. Mais d’autres personnes, tout aussi cultivées, et avec le même sentiment de détenir la vérité, refusent de l’employer, en affirmant avec la même vigueur que ce sont là des formes incorrectes et absolument non conformes à la norme. D’autres encore, dont je suis, tout en les jugeant tout à fait utiles, ne peuvent se résoudre à les utiliser. »■■■■■■■■■■