Tout correspondant de presse installé assez longtemps dans un pays se doit de lui consacrer un livre. Alberto Toscano, correspondant en France de divers médias italiens depuis vingt ans, ne se contente pas de satisfaire à cet exercice. Son France-Italie, coups de tête, coups de coeur est un livre fourni, travaillé, où même les bons connaisseurs et de l'Italie et de la France trouveront du surprenant et de l'inédit.
Passons sur les premiers chapitres, où l'on sacrifie au rite des comparaisons, parfois drolatiques, toujours dûment motivées. Les Italiens sont superstitieux, ils évitent le chiffre 17 comme la peste. Les Français vénèrent la viande : saignante ou à point, "plus la viande est épaisse et plus le déclin paraît lointain". Les Italiens sont tous dottore, les Français tous présidents. N'espérez pas séduire une Italienne si vous portez des chaussettes courtes : elles doivent arriver au genou, forcément au genou. Un Italien peut aisément demander à un convive lors d'un dîner : "Tu as voté pour qui ?", ce qui passerait en France pour la pire des indiscrétions.
Mais cette chronique délicieuse à lire, émaillée de souvenirs personnels, va plus loin que ces notations mondaines. Alberto Toscano est un passionné de livres et de journaux anciens. Il a retrouvé le compte rendu du premier procès "médiatique" de la presse française, signé Théophraste Renaudot, dans sa Gazette : "De Rome, le 30 novembre 1633. On a ici publié la sentence de l'Inquisition, portant condamnation de l'opinion de Galileo Galilei, florentin, mathématicien fameux, âgé de 70 ans, qui enseignoit que c'est la terre qui se remue, & non pas le Soleil, qu'il soustenoit estre le centre du monde : comme cette opinion estant contraire à la Sainte Escriture."
Grand amateur de musées, notre correspondant a aussi découvert, dans celui de la préfecture de police, qui se trouve au deuxième étage du commissariat du 5e arrondissement, le moulage parfait de la tête d'Henry-Jacques Pranzini. Play-boy et escroc d'origine italienne, son procès avait passionné les journaux. Il fut guillotiné le 31 août 1888 devant des milliers de personnes, place de la Roquette, pour le meurtre de deux femmes et d'une petite fille.
Au passage, Alberto Toscano rappelle aux Français fiers de l'abolition de la peine de mort, en 1981, que la peine capitale avait été supprimée par le grand-duché de Toscane en 1786, par le royaume d'Italie en 1889, et définitivement par la République italienne en 1948. Mais il a l'honnêteté de souligner qu'en Italie, pendant les années du terrorisme, les "tribunaux" autoproclamés des Brigades rouges ont prononcé et exécuté des sentences de mort, par exemple contre leur otage Aldo Moro, secrétaire général de la Démocratie chrétienne, dont le corps a été retrouvé le 9 mai 1978.
Les relations franco-italiennes sont loin d'avoir toujours été souriantes. En août 1893, un véritable pogrom anti-italien fit au moins une douzaine de morts (le bilan officiel de l'époque fait état, lui, de 8 décès) et plusieurs dizaines de blessés à Aigues-Mortes, et les 39 personnes inculpées pour ces crimes furent toutes acquittées. Le 24 juin 1894, un jeune anarchiste italien assassina le président de la République, Sadi Carnot, et d'autres violences xénophobes suivirent. Ces années 1893-1894 sont l'un des pics de l'hostilité entre les "soeurs latines", qui culminera au XXe siècle avec la déclaration de guerre par l'Italie fasciste en juin 1940. Pour finir sur une note moins déplaisante : l'auteur nous apprend que le général des alpini italiens Maurizio Lazzaro de Castiglioni, qui occupa Grenoble en novembre 1942, intima l'ordre au préfet de Vichy de mettre fin à la persécution des juifs. Sa lettre est conservée au Musée de la Résistance et de la déportation de la capitale du Dauphiné.
Passons sur les premiers chapitres, où l'on sacrifie au rite des comparaisons, parfois drolatiques, toujours dûment motivées. Les Italiens sont superstitieux, ils évitent le chiffre 17 comme la peste. Les Français vénèrent la viande : saignante ou à point, "plus la viande est épaisse et plus le déclin paraît lointain". Les Italiens sont tous dottore, les Français tous présidents. N'espérez pas séduire une Italienne si vous portez des chaussettes courtes : elles doivent arriver au genou, forcément au genou. Un Italien peut aisément demander à un convive lors d'un dîner : "Tu as voté pour qui ?", ce qui passerait en France pour la pire des indiscrétions.
Mais cette chronique délicieuse à lire, émaillée de souvenirs personnels, va plus loin que ces notations mondaines. Alberto Toscano est un passionné de livres et de journaux anciens. Il a retrouvé le compte rendu du premier procès "médiatique" de la presse française, signé Théophraste Renaudot, dans sa Gazette : "De Rome, le 30 novembre 1633. On a ici publié la sentence de l'Inquisition, portant condamnation de l'opinion de Galileo Galilei, florentin, mathématicien fameux, âgé de 70 ans, qui enseignoit que c'est la terre qui se remue, & non pas le Soleil, qu'il soustenoit estre le centre du monde : comme cette opinion estant contraire à la Sainte Escriture."
Grand amateur de musées, notre correspondant a aussi découvert, dans celui de la préfecture de police, qui se trouve au deuxième étage du commissariat du 5e arrondissement, le moulage parfait de la tête d'Henry-Jacques Pranzini. Play-boy et escroc d'origine italienne, son procès avait passionné les journaux. Il fut guillotiné le 31 août 1888 devant des milliers de personnes, place de la Roquette, pour le meurtre de deux femmes et d'une petite fille.
Au passage, Alberto Toscano rappelle aux Français fiers de l'abolition de la peine de mort, en 1981, que la peine capitale avait été supprimée par le grand-duché de Toscane en 1786, par le royaume d'Italie en 1889, et définitivement par la République italienne en 1948. Mais il a l'honnêteté de souligner qu'en Italie, pendant les années du terrorisme, les "tribunaux" autoproclamés des Brigades rouges ont prononcé et exécuté des sentences de mort, par exemple contre leur otage Aldo Moro, secrétaire général de la Démocratie chrétienne, dont le corps a été retrouvé le 9 mai 1978.
Les relations franco-italiennes sont loin d'avoir toujours été souriantes. En août 1893, un véritable pogrom anti-italien fit au moins une douzaine de morts (le bilan officiel de l'époque fait état, lui, de 8 décès) et plusieurs dizaines de blessés à Aigues-Mortes, et les 39 personnes inculpées pour ces crimes furent toutes acquittées. Le 24 juin 1894, un jeune anarchiste italien assassina le président de la République, Sadi Carnot, et d'autres violences xénophobes suivirent. Ces années 1893-1894 sont l'un des pics de l'hostilité entre les "soeurs latines", qui culminera au XXe siècle avec la déclaration de guerre par l'Italie fasciste en juin 1940. Pour finir sur une note moins déplaisante : l'auteur nous apprend que le général des alpini italiens Maurizio Lazzaro de Castiglioni, qui occupa Grenoble en novembre 1942, intima l'ordre au préfet de Vichy de mettre fin à la persécution des juifs. Sa lettre est conservée au Musée de la Résistance et de la déportation de la capitale du Dauphiné.