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Créoles.
Quelquefois on dit que les rapports entre le latin et les langues romanes (et aussi entre le sanscrit et le hindi, le bengali, etc.) sont les mêmes que ceux qu'il y a, par exemple, entre le français et les créoles français. Comme quoi, les langues romanes (le français à l'occurrence) et leurs créoles seraient, par rapport au latin, ses filles, et ses petites filles.
C'est une comparaison un peu risqué, je pense, mais quand même utile.
Voilà une phrase en français et puis en créole français de la Gouadeloupe. Vous me direz ce que vous en pensez?
Français:
Parfois, quand il n'y a pas école, très tôt le matin, monsieur Paul va au champ avec tous ses enfants et sa femme. Sitôt arrivés, ils commencent à travailler: la mère et le père sarclent, bêchent.
Créole gouadeloupéen:
Délè, lè pa ni lékòl, dèpi granbonné maten, misyé Pòl kay am jaden épi tout pitit a-y évè madanm a-y. Lè yo ka rivé, yo ka konmansé travay; manman é papa ka saklé, ka bèchté
Qui pourrait assurer que, dans l'avenir, le créole gouadeloupéen ne deviendra une langue à part entière, tout comme le français a mis du temps a s'émanciper du latin?
Le créole de la Gouadeloupe a une écriture phonétique. Il me semble que, si le français faisait de même, la parenté "mère-fille" serait bien plus claire et évidente.
Chi lo sà.
Je suis de ton avis, Josh.
Dans Antimoon, tout récemment, on s'étonnait que le passage du latin aux langues romanes ait été tellement rapide: peu de siècles.
Eh bien, nous avons maintenant ce passage, français-créole, devant les yeux. Dans mon cas, je peux le dire littéralement. Dans notre famille, déjà multilingue, le créole gouadeloupéen vient d'y entrer. Quelle aubaine, pour quelqu'un passionné de langues!
eh bien, quelle est la grammaire du créole? Comment conjugue-t-on les verbes en créole et la formation du pluriel? Ajoute-t-on le s comme en français?
Je ne sais pas du tout, Guest. Je ne me suis pas mis a l'étudier. Je m'y suis penché seulement un peu avec l'aide de mon gendre.
La seule chose que je sache est que la conjugaison du créole, comme celle de toute sa grammaire en général, est très simplifié par rapport à celle du français... comme celles des langues romanes le sont par rapport à celles du latin.
Voilà quelques données sur des livres qui peuvent vous intéresser:
1) Grammaire créole-français, , de D. Montbrand, H. Poullet, M. Sorèze et T.Telchid. Éditions Mairie de Basse-Terre, 1980.
2) Pawòl an bouch, de H. Poullet. Éditions Désormeaux, Pointe-à-Pitre, 1982.
3) Tichika.... et d'autres contes antillais, de S. Telchid. Éditions Caribéennes, Paris, 1985.
4) Les fables de La Fontaine (recueil de cassettes en créole), de H. Poullet et S. Telchid. Édition et Diffusions de Produit Éducatifs, Pointe-à-Pitre, 1986.
Etc.
La musique actuelle en créole est excellente.
Toutes les données que voici proviennent de "Le créole (gouadeloupéen) sans peine", d'Assimil, livre et cassettes, ou CDs.
>>>Dans Antimoon, tout récemment, on s'étonnait que le passage du latin aux langues romanes ait été tellement rapide: peu de siècles.
Eh bien, nous avons maintenant ce passage, français-créole, devant les yeux. Dans mon cas, je peux le dire littéralement. Dans notre famille, déjà multilingue, le créole gouadeloupéen vient d'y entrer. Quelle aubaine, pour quelqu'un passionné de langues! <<<<
Do you mean that the Romance languages have Creole character? If so, in your opinion, which language was admixed to Latin?
Herbist, salut,
Pour commencer, les langues indigènes qui ont vécu avec le latin importé, quelquefois pendant des siècles. L'espagnol, par exemple, a un substrat basque ce qui lui confère, par exemple, un système vocalique extrèmement simple, de cinc voyelles.
Puis il y a eu les langues adstratiques, qui sont entrées en contact avec ce latin déjà fort influencé par les langues de substrat: les langues germaniques, notamment pour l'occitan et le catalan, et surtout pour le français. Pour le roumain, le bulgare, le grec, le hongrois et, après, le turc.
Pour le portugais et l'espagnol, l'arabe. De nos jours, l'anglais pour toutes les langues romanes. L'évolution se poursuit. Je crois que nous ne nous rendons pas compte à quel point nos langues se sont anglicisées, même au niveau colloquial.
Et puis, il y a l'évolution interne de chaque façon de parler.
Comme pour tout, il faut prendre les choses avec beaucoup de précaution, en les relativisant. Mais oui, je pense que toutes les langues romanes ont eu, au début, un caractère de créole.
Faisons un peu de science-fiction et, pour ce qui est du créole gouadeloupéen, imaginons que, par une catastrophe quelconque, la Gouadeloupe reste isolée des autres pays qui ont le français comme langue "cultivée". Je parie que, au bout de quelques siècles, ce créole aurait pu devenir une langue de culture servant à tous les usages, et pas seulement (comme c'est le cas), pour les conversations de chaque jour.
Don't expect that the Creole speakers would turn their backs to the French completely.
Having these dialects would isolate its speakers from the outside world. And do you think that they would readily accept it as medium of instruction in place of French? With speakers that barley reach 3 million, I don't think so.
Guest, Guest,
Tu vois bien que je parlais d'un cas de science-fiction. Pourquoi extrapoles-tu? Tu arrives à mettre dans ma bouche des choses que je n'avais ni dit ni pensé.
C'est triste de voir les français tellement à la défensive. Vous vous sentez attaqués de partout. Vous inventez des ennemis là où il n'y en a pas. C'est bien parti pour ne pas avoir des amis.
Mallorquí.
<<Mais oui, je pense que toutes les langues romanes ont eu, au début, un caractère de créole. >>
One question is when oral Latin stopped to be used by the masses and Romance was created ex nihilo. When was the "début" of the creolization process?
Herbis, bon week end,
Je crois que c'est impossible à savoir. Le changement a été rapide (c'est du passage du latin au roman que je parle), mais pas au point d'empêcher la compréhension parents-enfants. Ça va de soi. Ce qu'il me semble sûr, aussi, ce que les gens d'une génération devaient se rendre bien compte des différences entre la façon de parler d'eux-mêmes et celle de la génération suivante. Il y a eu des régions où l'évolution a été plus rapide que dans d'autres. Le proto-roman qui allait devenir le français a évolué très vite, et aussi par la suite. Un Français de nos jours a du mal à comprendre le français ancien, tandis que un texte catalan du XIII siècle est facilement compréhensible pour un Catalan d'aujourd'hui. La langue française est bien plus éloigné du latin que le catalan (ou l'occitan, ou l'italien) ne le sont.
Je vais te dire quelque chose qui pourrait frapper les locuteurs de portugais, pour lesquels j'ai la plus grande estime.
Le brésilien de nos jours se rapproche de ce qu'on pourrait appeler un créole portugais. Naturellement, si cela se consomme (et j'espère, pour le bien des Bésiliens et des Portugais), le brésilien résultant sera une langue à part entière, comme le hollandais créolisé, l'afrikaans, est de nos jours une langue différente du hollandais. Le portugais que nous voyons écrit sur les journaux ou les livres imprimés au Brésil est une langue assez différente de celle que l'on entend dans le grand pays sud-américain. Il pourrait arriver que, un moment ou un autre, l'opinion prédominante chez les Brésiliens soit: cela suffit, on veut rapprocher notre standard de la langue que nous parlons. Ce serait fait.
Il n'y a pas longtemps, des écrivains du cône sud de l'Amérique (des chiliens et des argentins notamment) déclaraient "l'espagnol standard ne sert plus à nos besoins en tant qu'écrivains". Ils se sentaient oppressés par une langue "illustre" qui, d'après eux, était devenur trop différente de leur langue de tous les jours.
Et pourtant, l'espagnol est une langue assez uniforme... dans ses registres cultivés.
N'empêche que le dernier livre de Harry Potter ait été traduit en trois versions: espagnol européen, argentin et "hispano". Et que, comme on voit dans une filière d'Antimoon, on double des fils argentins en espagnol d'Espagne et vice-versa, ce qui, a mon avis, est très mal.
Alors, Herbist, pour le latin il s'est passé quelque chose de pareil. Il est arrivé un moment, pour ce qui allait devenir la France où (concile de Tours), le sentiment populaire, et aussi des classes cultivés, a décidé que ce qu'ils parlaient n'était plus le latin, mais quelque chose de nouveau, de "roman". Je m'imagine que le point de rupture a été dû à un malaise croissant dans la compréhension du "bon" latin. Et cela est arrivé plus tard pour les autres langues romanes. C'est dans ce sans, je m'imagine, que le mot "roman" porrait avoir un sens rapproché de celui de "créole". L'histoire se répète au bout de plus de mil ans.
Je m'imagine, aussi, qu'il pourrait arriver le moment, avec l'intensification des moyens de communication, d'enseignement, etc., le créole soit étouffé par le français. Il paraît, à ce qu'on m'explique, que la chose va dans ce sens.
Tout est imprévisible et dépend d'une grande quantité de facteurs.
Il reste que le passage d'una langue mère aux romans ou aux créoles est un procéssus long dont, pendant longtemps, les locuteurs ne sont pas conscients. Ils pensent que les générations immédiates parlen la même langue, mais très "changée". Probablement les parents reprochent à leurs enfants qu'"ils parlent très mal", et cela de suite. Si les communications entre les différentes régions s'affaiblissent, l'évolution sera plus rapide.
Reste à savoir si lesdites communicacions, les échanges, continueront de s'intensifier entre les pays qui parlent les "grandes langues" et, si c'est le cas, si cela suffira à enrayer une disgrégation, una "créolisation" de ces langues.
Mais cela est de la linguistique-fiction.
Mes excuses.
Dans mon message précédent, la phrase "(et j'espère, pour le bien des Brésiliens et des Portugais)" aurait dû être "et j'espère, pour le bien des Brésiliens et des Portugais, que cela n'arrivera jamais".
Salut Mallorquí. Ya pas mal de choses dans tout ce que tu exposes. Alors je vais picorer.
Mallorquí : « C'est une comparaison un peu risqué, je pense, mais quand même utile. »
Oui c'est risqué, mais on peut envisager toutes les hypothèses pour les dicuter.
Mallorquí : « Qui pourrait assurer que, dans l'avenir, le créole gouadeloupéen ne deviendra une langue à part entière, tout comme le français a mis du temps a s'émanciper du latin? ».
Mais le guadeloupéen n'est-il pas *déjà* une langue à part entière ? Je suis de l'avis de Josh.
Sur la seconde partie de ta phrase, voulais-tu dire la transformation du latin en français (thèse contestée) ou le remplacement du latin par le français au titre de langue écrite officielle ?
Mallorquí : « Le créole de la Gouadeloupe a une écriture phonétique. Il me semble que, si le français faisait de même, la parenté "mère-fille" serait bien plus claire et évidente. »
Aucune langue n'a une écriture *entièrement* phonétique. Mais essayons pour voir :
Fr <parfois quand il n'y a pas école> → /paRfwakÃtilnjapaekOl/ = /paʁfwakɑ̃tilnjapaekɔl/
Gd <délè lè pa ni lékòl> → /delElEpanilekOl/ = /delɛlɛpanilekɔl/ (je ne suis pas sûr de la transcription phonétique du guadeloupéen).
La ressemblance ne saute pas aux yeux.
Mallorquí : « La seule chose que je sache est que la conjugaison du créole, comme celle de toute sa grammaire en général, est très simplifié par rapport à celle du français... comme celles des langues romanes le sont par rapport à celles du latin. »
Pourquoi dire que ces grammaires sont "simplifiées" ? Ne sont-elles pas tout simplement *différentes* ?
Mallorquí : « Comme pour tout, il faut prendre les choses avec beaucoup de précaution, en les relativisant. Mais oui, je pense que toutes les langues romanes ont eu, au début, un caractère de créole. »
Oui, mais un créole entre quoi et quoi ?
Mallorquí : « Faisons un peu de science-fiction et, pour ce qui est du créole gouadeloupéen, imaginons que, par une catastrophe quelconque, la Gouadeloupe reste isolée des autres pays qui ont le français comme langue "cultivée". Je parie que, au bout de quelques siècles, ce créole aurait pu devenir une langue de culture servant à tous les usages, et pas seulement (comme c'est le cas), pour les conversations de chaque jour. »
Plus simplement, il suffirait que le guadeloupéen soit promu langue officielle de la Guadeloupe (avec ou à la place du français). Je ne connais pas la situation du guadeloupéen, mais je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il existe une littérature en guadeloupéen.
Mallorquí : « La langue française est bien plus éloigné du latin que le catalan (ou l'occitan, ou l'italien) ne le sont. »
Ça se discute. Vraiment. Tout dépend de ce qu'on entend par « langue », « éloigné » & « latin »...
Mallorquí : « Il est arrivé un moment, pour ce qui allait devenir la France où (concile de Tours), le sentiment populaire, et aussi des classes cultivés, a décidé que ce qu'ils parlaient n'était plus le latin, mais quelque chose de nouveau, de "roman". »
Ça faisait belle lurette que les romanophones ne parlaient plus le "latin". L'émergence de la mise en écrit de la langue romane est peut-être liée à d'autres considérations. Je te recommande vivement cet article de Roger Wright : http://medievales.revues.org/document586.html .
Le brésilien de nos jours se rapproche de ce qu'on pourrait appeler un créole portugais.
Not true. Even in Portugal there are many different regional ways of pronouncing and speaking the language. It is a very rich language..
A phonetic record of the word rain "chuva" in Portugal:
Chuva
Chôba
Chobe
Choiva
Chôuva
Chove
Chuba
Chube
Chubia
Chuiba
Tchuva
Chuva
Chuvia
Chuvada
Tchubada
Chver
Chvisquer
Tchuba
Tchúbia
Tchúbi
Tchúiba
Tchúipa
Don´t think just because you learn standard Portuguese there aren't many regional varieties of the language in Portugal.
Guest,
J'ai commencé par aprendre le portugais standard, avec prononciation "alfacinha". Puis j'ai vécu plusieurs mois avec une fille des alentours de São Paulo, qui m'a même apris quelques notions de "caipira". Puis, et jusqu'à maintenant, j'ai travaillé avec des portugais de la zone du Porto, avec quoi j'ai pris un accent "tripeiro".
La dialectologie m'intéresse beaucoup, notamment la dialectologie portugaise. Je peux parler avec plusieurs accents du portugais, au point de prononcer le "u" à la madeirense, c'est-à-dire comme "ü" français.
Guest, ne prends surtout pas mon message comme une attaque à l'unité de la langue portugaise, la langue que j'aime le plus après la mienne et l'occitan. Seulement, j'ai perçu très clairement, chez pas mal de Brésiliens, une volonté de séparation du portugais du Brésil (qu'ils appellent "brasileiro") par rapport au portugais européen. Dans Antimoon même il y a eu beaucoup de copains qui affirment que les brésiliens ont du mal a comprendre le portugais du Portugal.
Tu sais que les portugais appellent le brésilien "pretoguês" (portugais parlé par des noirs, ce qui revient à l'appeler un créole). Entre dans Internet et tu verras la quantité d'articles dans ce sens.
Cela dit, je souhaite que la fissure qui sépare le portugais européen du portugais américain ne s'èlargisse jamais, c'est-à-dire que l'unité de ma bien aimée langue portugaise persiste.
On pourrait aussi parler du danger que, pour la langue du Portugal, représente la fascination d'une grande partie des portugais actuels pour l'Espagne, au point d'être partisans de l'intégration du Portugal dans l'Espagne. Les portugais qui aiment leur langue et leur littérature devraient être conscients que, si cela arrivait, le portugais s'acheminerait, et vite, à la condition de patois espagnol. Si quelqu'un en doute, qu'il voit ce que le galicien (le portugais du nord, dans l'État espagnol) est devenu: un dialecte espagnol, avec la phonétique et la grammaire en géneral presque totalement identifiés avec l'espagnole.
En effet, pour l'Espagne, l'existence d'un Portugal indépendant a toujours été considérée comme une anomalie. Et l'on sait qu'il faut corriger les anomalies.
Nous, catalans, nous en savons quelque chose.
que j'aime le plus après la mienne et l'o
Num outro post disseras que era o italiano :-)
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